Ondes de surface sur l’eau

 
  1. Lorsqu’on effleure la surface d’une étendue d’eau avec le doigt où lorsqu’on y jette un caillou, on crée deux systèmes d’ondes différents. Dans le premier cas, les ondes de grande fréquence vont plus vite, alors que dans le deuxième cas, elles sont plus lentes !

  2. D’où vient cette différence ?

  3. “petite” perturbation                      “grande” perturbation



Préalable :


Une onde n’a pas d’existence physique en soi. Ce n’est pas quelque chose de détectable. Une onde est toujours un mouvement collectif de particules et c’est le mouvement de chacune des particules qui est détectable. Ce mouvement collectif naît du lien existant entre les particules. Si on bouge une particule liée aux autres, son mouvement va entraîner celui des particules proches d’elles, et ainsi de suite... La perturbation se propage et le mouvement collectif résultant est appelé onde.




Etudier une onde revient donc à étudier le lien entre les particules. Il suffit de connaître deux choses : la masse de la particule et l’énergie de la liaison en fonction de l’éloignement.

  1. -La dépendance spatiale de l’énergie de liaison nous dit combien un mouvement d’une particule dépend du mouvement des voisines, elle nous donne donc le “degré de solidarité” des particules.

  2. -La masse nous dit l’inertie du mouvement : avec quel délai et quelle amplitude une particule perturbée va se mettre en mouvement. La masse nous donne donc la résistance au mouvement d’ensemble, c’est le “degré d’indépendance”.

L’ensemble va nous permettre de déterminer la vitesse de propagation d’une déformation, soit la vitesse de l’onde ou plutôt la célérité (on change de mot puisqu’aucune particule ne suit réellement le mouvement, c’est la perturbation qui se propage).


Pour résumer : l’onde naît de la perturbation d’un sommier fait de masselottes reliées par des ressorts. Etudier l’onde passe par l’étude des ressorts.



Ondes capillaires :


Quel type de ressorts ?




La courbure du puits d’énergie dans lequel évoluent les molécules d’eau correspond à la raideur du ressort imaginaire qui les lie.





Supposons qu’on attrape une de nos particules et qu’on la fasse osciller verticalement. Elle va entraîner ses voisines dans le même mouvement oscillant vertical. Mais plus la fréquence de l’oscillation et donc l’accélération de la particule est rapide et plus elle prendra de l’avance sur ces voisines (car même si leurs masses sont très faibles, elle ne suivent pas instantanément...). Leur écart mutuel est modifié et ne correspond plus à la minimisation de leurs énergies potentielles. Essayons de voir maintenant quelle force cet écart au minimum d’énergie va engendrer.


Dans un milieu linéaire, la force engendrée est proportionnelle à l’écart au minimum. Par définition même, un milieu linéaire est un milieu qui se déforme proportionnellement à la contrainte qu’il reçoit (et réciproquement, une déformation engendre une force proportionnelle). Cela revient à dire que son énergie de liaison est un puits parabolique puisque l’énergie est une force multipliée par un déplacement, et comme ici, la force est elle-même proportionnelle au déplacement, le déplacement intervient au carré.

Conséquence : la vitesse de propagation d’une onde ne dépend alors pas de la fréquence. Quand on s’écarte du fond du puits, la force de rappel est proportionnelle à l’écartement. On a donc un ressort idéal (de constante de raideur invariante) ; que l’accélération reçue soit petite ou grande, le lien aux autres reste le même.

Autre façon de voir : la constante de raideur du ressort correspond à la  courbure du puits d’énergie ; on voit bien que si la courbure varie, le rappel varie lui aussi lorsque l’on s’écarte en suivant cette courbure. Or dans le cas d’un puits parabolique, cette courbure est constante.


Mais la surface d’eau n’est pas un milieu linéaire ! Pour les molécules d’eau, le puits est plus étroit qu’un puits parabolique. La courbure et donc la raideur du ressort liant une molécule aux autres grandissent au fur et à mesure que l’on s’écarte du fond. Ce plus fort rappel se traduit par une vitesse de propagation de l’onde plus rapide ! (puisque la solidarité augmente sans que la masse change).


Or plus l’accélération reçue par la particule perturbée est forte et plus l’écart au fond du puits est grand. Donc plus la fréquence de la perturbation est grande et plus l’onde se propage vite.


Rq : Il n’est donc pas étonnant que macroscopiquement, la force de cohésion de la surface d’eau dépendent de la courbure de la surface (la courbure écartant les molécules les unes des autres). Ainsi, on aurait pu substituer à nos considérations temporelles sur la fréquence des considérations spatiales sur la courbure (plus la fréquence est grande et plus la surface est courbée).


Pourquoi différentes fréquences se propagent-elles ?


Lorsqu’on effleure une surface d’eau, on ne force pas les particules à osciller à un rythme précis, au contraire, on excite une large bande du spectre de fréquence. En effet, pour reproduire un bruit sec avec des notes pures, il faut en superposer beaucoup. De la même manière, des particules oscillant à une fréquence précise sont des notes pures et lorsque la perturbation n’est pas sinusoïdale, cela se traduit par une multitude de fréquences excitées.



Sur le dessin, on a des sommes de sinusoïdes : une somme de 2 sinusoïdes en jaune jusqu’à une somme de 100 en rouge. On voit qu’on arrive ainsi à reproduire une forme de marche correspondant bien à une perturbation macroscopique comme l'effleurement de la surface avec son doigt.





Mais, comme on l’a vu, la vitesse de ces ondes de surface dépend de la fréquence et parmi toutes les fréquences excités par la perturbation, les plus aiguës vont aller plus vite que les plus graves. Et on obtiendra, à un instant donné, la figure suivante où les petites longueurs d’onde entourent les plus grandes.





Ondes de gravité :


Que se passe-t-il maintenant lorsque la perturbation est plus grande que l’énergie de liaison entre les molécules d’eau = que se passe-t-il lorsqu’on casse notre sommier à ressorts ?


Cela simplifie la situation ! En effet, on passe d’un bac de billes aimantées à un bac de billes sans lien à distance.

A l’endroit de la perturbation, les molécules d’eau ont été poussées sur les côtés et la surface creusée. Puis les molécules tombent sur la pente ainsi créée. En se rencontrant au milieu du creux, les billes forment une nouvelle bosse, et le toboggan recommence dans l’autre sens. La même situation se répète de proches en proches. On parle alors d’onde de gravité.


Plus la fréquence est grande et plus on a de bosses sur une longueur donnée, et les pentes de ces bosses sont plus abruptes. Or ce qui nous intéresse, c’est le temps mis par la perturbation pour parcourir une distance donnée. Cela revient à trouver le temps que met une bille pour glisser sur la pente d’une bosse, multiplié par le nombre de bosses sur la distance D que l’on s’est donnée.


- Le nombre de bosse est proportionnelle à la fréquence f.

- Le temps mis pour dévaler une bosse est réduit de deux manières par l’augmentation de f : la distance horizontale à parcourir diminue et la pente (donc l’accélération) augmente. Mais cette augmentation de l’accélération tend vers une limite : mg. Le temps de chute tend donc vers une valeur irréductible.

  1. Finalement, le temps de propagation de notre onde va grandir avec la fréquence puisque le nombre de bosse continue à croître alors que le temps pour les dévaler stagne !


Conséquence : contrairement au cas des petites perturbations, les ondes les plus graves vont les plus vites.





Frontière entre les deux :


Où se trouve la frontière entre ces deux régimes ? On a vu que cela dépendait de la force de la perturbation : il faut savoir si cette force est supérieure à la force attractive intermoléculaire dans l’eau. Or, une grandeur macroscopique facilement mesurable rend compte de la force qu’applique l’eau, du fait des liaisons intermoléculaires, sur un objet déformant sa surface : la tension de surface γ. γ vaut environ 50 mN/m dans le cas de l’eau. La frontière entre les deux régimes correspond donc à une force perturbative de même intensité.


Si on crée notre onde en faisant tomber un caillou dans l’eau, la force du choc est égale au poids : mg = ρgL³, où ρ est la masse volumique de l’objet, g la pesanteur et L sa longueur caractéristique (supposons que le caillou soit cubique). L’eau répond à l’intrusion avec une force γ4L, 4L correspondant à la longueur de l’interface entre caillou et eau. À la frontière entre les 2 régimes correspond donc à  ρgL³ = γL (le 4 est seulement lié à la géométrie). La relation nous donne une taille caractéristique pour le caillou : L=√(γ/ρg), soit environ quelques mm en supposant que le caillou a une densité proche de l’eau.


  1. -S’il est plus petit, on est dans le régime capillaire, lié aux forces entre molécules d’eau.

  2. -S’il est plus grand, on est dans le régime de gravité, où les forces intermoléculaires sont insuffisantes pour récupérer la déformation de la surface..