Boomerang

 





Pour voler et revenir à l’envoyeur, le boomerang utilise 3 phénomènes physiques classiques, mais casse-pieds à bien appréhender :

  1.      - la précession

  2.      - la portance

  3.      - la traînée







1. La précession


Un objet tournant rapidement sur lui-même a une réponse non intuitive à l’application d’une force, ou plutôt d’un couple visant à modifier la direction de son axe de rotation. L’inertie des masses en rotation entraîne en effet l’objet dans une autre direction que celle du couple.


Imaginons un disque tournant rapidement autour d’un axe vertical. Si on penche cette axe comme sur le schéma, cela modifie les vecteurs vitesses sur le bord du disque tournant au cours du mouvement. Regardons ce qui se passe aux quatre points particuliers A, B, C et D.







En A et C, les vecteurs vitesse restent quasi parallèles au cours du basculement (en fait, on néglige la petite variation de vitesse due au basculement du disque devant la grande vitesse de rotation, c’est l’approximation gyroscopique). Le mouvement dû au couple n’engendre donc qu’une accélération négligeable en ces points. Mais en B et en D, la direction des vecteurs vitesse est nettement modifiée et ces vitesses sont très grandes. Le mouvement du disque engendre donc une importante accélération (variation de la vitesse) verticale, vers le bas en B et vers le haut en D. Cela provoque un basculement opposée du disque autour de l’axe AC par conservation du moment cinétique.


Puis rebelote, mais dans une nouvelle direction : A et C sont maintenant remplacés par B et D.

Au final, le mouvement résultant est une rotation de l’axe de rotation autour de sa direction d’origine. Ce mouvement s’appelle précession.


La précession stabilise un objet tournant (tel que cerceau, vélo, assiettes de cirque chinoises etc...). En effet, au lieu de se retourner sous l’action d’un couple, il oscille tel que sa position moyenne reste la même.


Une autre façon de voir : le couple veut pencher l’axe mais ne joue pas sur le moment cinétique (il n’est pas dans une direction pouvant le modifier), la diminution du moment cinétique dans la direction originelle est donc compensée par une rotation de l’axe de rotation autour de cette direction et dans le sens visant à pallier la diminution.





  1. 2. Portance et traînée sur une aile


Les bras du boomerang sont généralement profilés comme des ailes d’avion.



Un objet de cette forme avançant rapidement dans l’air, reçoit, du fait des frottements, 2 forces :

  1. -une force verticale et dirigée vers le haut : la portance permettant de soulever l’objet

  2. -une force horizontale et dirigée vers l’arrière : la traînée freinant le mouvement.


Tentons d’abord d’expliquer la portance de l’aile. Deux ingrédients sont nécessaires : un écoulement d’air et une forme d’aile adaptée.

Sans air, pas de portance, mais c’est une propriété inattendue de l’air qui en est la clé : sa viscosité*. L’aile est profilée de façon à ce que l’inertie de l’écoulement d’air ne l’emporte pas trop sur sa viscosité, permettant au filet d’air rasant l’aile de lui rester collé. En d’autres mots, le profil est assez doux pour que l’air le suive sans décrocher. En épousant sa forme, l’air va logiquement quitter l’aile à son extrémité (point de fuite F) et non en un point symétrique du point d’arrivé sur l’aile comme sur le schéma suivant (la viscosité a ses limites et ne permet de lutter contre l’inertie qui emporte l’air après F).


Le filet d’air se trouve donc dévié après son passage autour de l’aile et cette déviation suppose une accélération de l’air et donc une force reçue par l’air (venant de l’aile), orthogonale à sa trajectoire et dirigée vers le bas. Réciproquement, l’air agit sur l’aile par une force opposée qui porte l’aile.


La présence de cette force s’explique aussi en regardant la distribution des pressions. Le détour imposé sur l’extrados (dessus de l’aile), même s’il n’est pas brutale, écarte les lignes de courant derrière lui. Car si la viscosité joue son rôle près de l’aile, elle diminue dès qu’on s’en écarte alors que l’inertie est toujours présente (et grande vue les vitesses en jeu) et son effet est de limiter la courbure du courant d’air (entraîné dans sa direction première). A l’inverse, sur l’intrados, l’inertie va faire en sorte que les lignes de courant se “compactent” (en se rentrant dedans). Or la concentration de ces lignes de courant imaginaire est directement liée à la pression.

On voit bien ainsi que la portance augmentera avec la vitesse de l’aile puisque ces différences de pression seront accentuées. De même, elle augmentera avec l’angle d’attaque de l’aile (qui accentue la brutalité du détour) jusqu’au moment où la viscosité devient insuffisante pour rabattre l’air après le détour = décrochage.


L’air tourne plus et va plus vite sur le dessus de l’aile qu’en dessous (puisqu’il est freiné en dessous et qu’il n’y a pas de détour). Le moment cinétique du flot d’air attaqué par l’aile est donc modifié par elle. Cela revient à imaginer qu’une partie du flot d’air traversé circule autour de l’aile comme sur le schéma ci-dessous. La conservation du moment cinétique est bien respectée puisqu’un tourbillon de sens opposé se crée en sortie d’aile quand l’air dévié rencontre l’air n’ayant pas changé de direction (le genre de phénomène qu’on observe en avançant une cuillère dans une tasse de café).


Cette circulation autour de l’aile implique une pression plus faible au-dessus de l’aile qu’en dessous (puisque la vitesse est plus grande au-dessus) et donc une poussée de bas en haut qui porte l’aile. Tout se retrouve simplement.


La traînée découle en partie du rôle de la viscosité, car bien qu’elle permette la portance, elle doit bien aussi freiner l’air.

La traînée s’explique en effet par le frottement visqueux autour de l’aile : globalement, l’air va moins vite en sortie d’aile.

L’autre grande cause de traînée est le décrochage de l’écoulement avant le point de fuite. Il a lieu dès que la vitesse devient trop grande où l’angle d’attaque trop important pour que la viscosité colle l’air jusqu’à l’extrémité de l’aile. En décrochant, l’écoulement est rendu turbulent : les lignes de courant n’étant plus collées, des brusques variations de pression locales apparaissent rendant l’écoulement erratique. Conséquence de tout ça : une grande dissipation d’énergie par frottement visqueux (encore !) diminuant fortement la pression dans la turbulence. On a alors une force de frottement dirigée vers l’arrière de l’aile.




  1. *même si la viscosité est faible dans le cas de l’air, elle existe. Elle s’explique surtout par la diffusion du moment dynamique dans le cas d’un gaz : au fur et à mesure des chocs, les vitesses se transmettent d’une couche du fluide à une autre.






















  1. 3.Les deux mouvement du boomerang


Un boomerang est une aile double (ou triple, voir plus mais cela revient au même).

Le profil de chaque aile du boomerang est alterné pour que la portance soit dirigée dans le même sens lorsqu’il se déplace.



Le boomerang est lancé quasiment à la verticale en lui imprimant un mouvement de rotation rapide de façon à ce que la portance soit dirigée vers la gauche d’un lanceur droitier et un peu vers le haut pour compenser le poids.

  

La portance est donc dans ce cas une force dirigée vers la gauche. Le boomerang va nous faire un beau virage parabolique sur la gauche, mais il faudra aller le chercher ! Qu’a-t-on oublié ?


La résultante des forces de portance ne s’applique pas au centre de gravité du boomerang ! Plus l’aile va vite et plus la portance est grande (se rappeler du rôle jouer par l’inertie de l’air dans la portance) et comme l’aile fend l’air plus rapidement quand elle est en position haute que basse (le mouvement de rotation s’ajoutant au mouvement d’ensemble), le point d’application de la force est déplacé vers le haut. Cela crée donc un couple visant à coucher le boomerang. Toujours pas de retour...

Mais attention, le boomerang tourne rapidement sur lui-même, le couple est donc modifié par la précession. Un couple selon un axe horizontal va faire tourner l’objet selon un axe vertical (voir schéma).




ça y est ! Le boomerang revient. A force de pivotement, la trajectoire parabolique due à la portance peut devenir une trajectoire fermée.


Le lancer doit être ajusté de manière à ce que l’angle d’attaque du boomerang reste positif (= la portance un peu dirigée vers le haut). Pour cela, il faut que le pivotement provoqué par la précession ne soit pas trop rapide par rapport au mouvement parabolique dû à la portance. Sinon, le boomerang s’écraserait rapidement.


Mais ce n’est pas si compliqué à ajuster car les mouvements du boomerang dépendent tous de la portance et les effets d’une modification du lancer peuvent se compenser. Par exemple, si on le lance plus fort avec la même vitesse angulaire, les virages seront accentués (portance plus forte sur la gauche) mais lutteront contre une inertie plus grande (vitesse initiale plus grande) et le pivotement sera lui aussi accentué (puisque c’est la portance qui provoque la précession). Autre exemple : si on imprime une vitesse de rotation plus grande, on pourrait craindre une précession (donc un pivotement) elle aussi plus grande à cause du décentrage de la portance mais la vitesse de précession est inversement proportionnelle à la vitesse de rotation propre.

Malgré tout, plusieurs essais semblent nécessaires pour maîtriser ce truc comme ci-dessous..























En regardant bien le vol d’un boomerang, on a une nouvelle surprise : il revient couché à l’horizontal. Qu’a-t-on oublié ? La perturbation de l’air due à l’aile ! Derrière le passage de l’aile, l’air est turbulent (traînée turbulente). Que se passe-t-il quand la deuxième aile du boomerang passe dans l’air perturbé par la première ? Sa portance est moins forte, car moins efficace. Cela se traduit par une portance plus forte à l’avant qu’à l’arrière (dans la direction du mouvement du centre de gravité) et donc à nouveau par un couple qui vise cette fois-ci à tourner le boomerang selon un axe verticale. La précession le transforme en un couple selon un axe horizontal, autour de la direction du mouvement (voir schéma).


En se couchant, le boomerang augmente la composante verticale de la portance et ainsi pallie la diminution de la portance due à la décélération. Le boomerang pense à tout !

Rq : toute dissymétrie entre les 2 ailes provoquerait le même effet.